Artxibak
2006/03/12
Espania, zenbat nazio ?
Pariseko egunkari famatuan Cécile Chambraud-ek kaleratu duen artikulua Kataluniaren estatutu berriaren karietara Frantziako irakurleek jakin nahi luketeenari buruz.
Espagne, combien de nations ?
LE MONDE | 07.03.06
Le drapeau espagnol doit-il continuer de flotter sur la forteresse de Montjuich, qui surplombe Barcelone ? Les Catalans forment-ils une nation ou une nationalité ? Les Basques ont-ils un droit à l'autodétermination ? Le valencien est-il une variante du catalan ou bien une langue à part entière ? Les régions espagnoles auront-elles, toutes, la maîtrise de la moitié de l'impôt sur le revenu et de la TVA récoltés sur leur territoire ? La connaissance du catalan est-elle un devoir pour les citoyens vivant en Catalogne ?
Ces questions et mille autres, parfois byzantines, parfois sonnantes et trébuchantes, occupent, depuis plusieurs mois, presque entièrement le débat politique espagnol. Et parfois aussi la rue : le 18 février, une centaine de milliers de personnes ont ainsi défilé dans les rues de Barcelone en scandant : "Nous sommes une nation, nous avons le droit de décider." Car, sous la pression, notamment, des nationalismes catalan et basque, qui ont connu une nouvelle impulsion ces dernières années, l'Espagne a entrepris, depuis un an, une révision complète de l'articulation de ses territoires et des règles qui régissent leurs relations avec l'Etat.
Le président du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, a encouragé le mouvement vers ce qu'il appelle l'"Espagne plurielle". L'éventualité de la fin du terrorisme au Pays basque et d'un débat sur l'avenir juridico-politique de cette région contribue à accentuer le caractère conflictuel de la question territoriale.
Pour un oeil français, accoutumé à la symétrie et à l'ordonnancement raisonné, l'Espagne plurielle, c'est déjà maintenant : l'"Espagne des autonomies", telle que l'a inventée la Constitution de 1978, est l'assemblage de dix-sept régions et de deux villes autonomes (Ceuta et Melilla, enclavées au Maroc) - dirigées par des gouvernements et des Parlements régionaux - aux prérogatives différentes, aux degrés d'autonomie variés, aux quatre langues co-officielles, en plus du castillan. Ces collectivités se sont constituées volontairement dans la seconde moitié des années 1970, lors de la transition démocratique, après la mort de Franco. Chacune est régie par un statut, élaboré par ses élus puis ratifié par le Parlement espagnol. Ce sont ces statuts qu'il est aujourd'hui question de modifier, à l'initiative des régions concernées.
Une douzaine de régions, pour l'instant, sont demandeuses. L'une des premières à entreprendre la révision de son statut a été la Catalogne. Sa volonté était sur la table depuis que, en 2003, le parti nationaliste de centre droit Convergence et union (CiU), dont le chef de file, Jordi Pujol, dirigeait la région depuis 1980, a été supplanté par une coalition de gauche dirigée par le socialiste Pasqual Maragall. Le nationalisme de celui-ci ne le cède en rien à celui de CiU. Son alliance avec les indépendantistes d'Esquerra republicana de Catalunya (ERC) s'est fondée, justement, sur l'objectif de réformer l'Estatut de 1979, pour augmenter les compétences et les ressources propres de la Catalogne et pour renforcer son identité politique, à l'intérieur de l'Espagne comme à l'extérieur, notamment au sein de l'Union européenne.
Alors dans l'opposition, et prenant le contre-pied de l'orientation "espagnoliste" et centralisatrice du second mandat de José Maria Aznar, M. Zapatero, par une formule demeurée fameuse par sa témérité, s'était publiquement engagé, s'il emportait les élections, à "appuyer le projet que le Parlement catalan adopterait". Le président du gouvernement est convaincu qu'une "nouvelle étape" décentralisatrice, allant dans le sens d'une Espagne plus fédérale, est la condition indispensable non seulement de sa stabilité et de sa gouvernabilité, mais aussi, tout simplement, de sa cohésion.
Après son arrivée au pouvoir, des mois de négociations entre les socialistes de Madrid et les élus catalans ont été nécessaires pour éliminer du projet adopté par le "Parlament" de Barcelone, en septembre 2005, les dispositions qui excédaient le plus manifestement les limites, volontairement floues, de la Constitution. Outre les finances (la Catalogne aura la maîtrise de 50 % de l'impôt sur le revenu et de la TVA perçus sur son territoire et de 58 % des taxes sur les alcools, les tabacs et les hydrocarbures), le point le plus litigieux, et le plus politiquement chargé, a consisté à savoir si la Catalogne pouvait, constitutionnellement, se définir comme une "nation", sachant que la Constitution réserve ce terme à l'Espagne, même si elle mentionne l'existence, en son sein, de "nationalités". Le Parlement espagnol ne s'est pas encore prononcé, mais l'accord trouvé entre le gouvernement et la majorité des partis catalans s'est fait contre l'opposition conservatrice du Parti populaire (PP), qui voit dans l'extension des pouvoirs catalans et la mention du mot "nation", même assorti de restrictions, le début d'un "détricotage" de l'Espagne. A l'opposé du spectre politique, les indépendantistes d'ERC se demandent également si, pour des raisons inverses, ils ne se prononceront pas contre le compromis. Un référendum doit sanctionner le processus.
Quelques mois après sa victoire aux élections, M. Zapatero avait, en revanche, fait rejeter par sa majorité un projet de nouveau statut adopté par une courte majorité du Parlement basque. Ce texte, d'orientation souverainiste, illustrait le virage opéré ces dernières années par le Parti nationaliste basque (PNV), au pouvoir à Vitoria depuis 1980. Mais, si ce projet est enterré, le désir de réformer le statut de l'Euskadi demeure. Et le débat qui devrait s'instaurer dans le cas où l'ETA renoncerait à la violence devrait être encore plus porteur de tension avec l'opposition de droite.
La refonte du statut de la Galice pourrait être plus consensuelle. Les socialistes, qui ont, pour la première fois, conquis la présidence de cette région en 2005, souhaitent le faire en accord avec le Parti populaire. Mais le Bloc nationaliste galicien, allié minoritaire des socialistes, revendique lui aussi l'appellation de "nation". Le PP n'est pas opposé par principe à l'élargissement des compétences des autonomies : il soutient les réformes engagées à Valence et en Andalousie, par exemple, et ses présidents de région regardent d'un oeil intéressé les nouveaux pouvoirs qui s'offrent à eux.
Cécile Chambraud, à Madrid
Article paru dans l'édition du 08.03.06
LE MONDE | 07.03.06
Le drapeau espagnol doit-il continuer de flotter sur la forteresse de Montjuich, qui surplombe Barcelone ? Les Catalans forment-ils une nation ou une nationalité ? Les Basques ont-ils un droit à l'autodétermination ? Le valencien est-il une variante du catalan ou bien une langue à part entière ? Les régions espagnoles auront-elles, toutes, la maîtrise de la moitié de l'impôt sur le revenu et de la TVA récoltés sur leur territoire ? La connaissance du catalan est-elle un devoir pour les citoyens vivant en Catalogne ?
Ces questions et mille autres, parfois byzantines, parfois sonnantes et trébuchantes, occupent, depuis plusieurs mois, presque entièrement le débat politique espagnol. Et parfois aussi la rue : le 18 février, une centaine de milliers de personnes ont ainsi défilé dans les rues de Barcelone en scandant : "Nous sommes une nation, nous avons le droit de décider." Car, sous la pression, notamment, des nationalismes catalan et basque, qui ont connu une nouvelle impulsion ces dernières années, l'Espagne a entrepris, depuis un an, une révision complète de l'articulation de ses territoires et des règles qui régissent leurs relations avec l'Etat.
Le président du gouvernement, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, a encouragé le mouvement vers ce qu'il appelle l'"Espagne plurielle". L'éventualité de la fin du terrorisme au Pays basque et d'un débat sur l'avenir juridico-politique de cette région contribue à accentuer le caractère conflictuel de la question territoriale.
Pour un oeil français, accoutumé à la symétrie et à l'ordonnancement raisonné, l'Espagne plurielle, c'est déjà maintenant : l'"Espagne des autonomies", telle que l'a inventée la Constitution de 1978, est l'assemblage de dix-sept régions et de deux villes autonomes (Ceuta et Melilla, enclavées au Maroc) - dirigées par des gouvernements et des Parlements régionaux - aux prérogatives différentes, aux degrés d'autonomie variés, aux quatre langues co-officielles, en plus du castillan. Ces collectivités se sont constituées volontairement dans la seconde moitié des années 1970, lors de la transition démocratique, après la mort de Franco. Chacune est régie par un statut, élaboré par ses élus puis ratifié par le Parlement espagnol. Ce sont ces statuts qu'il est aujourd'hui question de modifier, à l'initiative des régions concernées.
Une douzaine de régions, pour l'instant, sont demandeuses. L'une des premières à entreprendre la révision de son statut a été la Catalogne. Sa volonté était sur la table depuis que, en 2003, le parti nationaliste de centre droit Convergence et union (CiU), dont le chef de file, Jordi Pujol, dirigeait la région depuis 1980, a été supplanté par une coalition de gauche dirigée par le socialiste Pasqual Maragall. Le nationalisme de celui-ci ne le cède en rien à celui de CiU. Son alliance avec les indépendantistes d'Esquerra republicana de Catalunya (ERC) s'est fondée, justement, sur l'objectif de réformer l'Estatut de 1979, pour augmenter les compétences et les ressources propres de la Catalogne et pour renforcer son identité politique, à l'intérieur de l'Espagne comme à l'extérieur, notamment au sein de l'Union européenne.
Alors dans l'opposition, et prenant le contre-pied de l'orientation "espagnoliste" et centralisatrice du second mandat de José Maria Aznar, M. Zapatero, par une formule demeurée fameuse par sa témérité, s'était publiquement engagé, s'il emportait les élections, à "appuyer le projet que le Parlement catalan adopterait". Le président du gouvernement est convaincu qu'une "nouvelle étape" décentralisatrice, allant dans le sens d'une Espagne plus fédérale, est la condition indispensable non seulement de sa stabilité et de sa gouvernabilité, mais aussi, tout simplement, de sa cohésion.
Après son arrivée au pouvoir, des mois de négociations entre les socialistes de Madrid et les élus catalans ont été nécessaires pour éliminer du projet adopté par le "Parlament" de Barcelone, en septembre 2005, les dispositions qui excédaient le plus manifestement les limites, volontairement floues, de la Constitution. Outre les finances (la Catalogne aura la maîtrise de 50 % de l'impôt sur le revenu et de la TVA perçus sur son territoire et de 58 % des taxes sur les alcools, les tabacs et les hydrocarbures), le point le plus litigieux, et le plus politiquement chargé, a consisté à savoir si la Catalogne pouvait, constitutionnellement, se définir comme une "nation", sachant que la Constitution réserve ce terme à l'Espagne, même si elle mentionne l'existence, en son sein, de "nationalités". Le Parlement espagnol ne s'est pas encore prononcé, mais l'accord trouvé entre le gouvernement et la majorité des partis catalans s'est fait contre l'opposition conservatrice du Parti populaire (PP), qui voit dans l'extension des pouvoirs catalans et la mention du mot "nation", même assorti de restrictions, le début d'un "détricotage" de l'Espagne. A l'opposé du spectre politique, les indépendantistes d'ERC se demandent également si, pour des raisons inverses, ils ne se prononceront pas contre le compromis. Un référendum doit sanctionner le processus.
Quelques mois après sa victoire aux élections, M. Zapatero avait, en revanche, fait rejeter par sa majorité un projet de nouveau statut adopté par une courte majorité du Parlement basque. Ce texte, d'orientation souverainiste, illustrait le virage opéré ces dernières années par le Parti nationaliste basque (PNV), au pouvoir à Vitoria depuis 1980. Mais, si ce projet est enterré, le désir de réformer le statut de l'Euskadi demeure. Et le débat qui devrait s'instaurer dans le cas où l'ETA renoncerait à la violence devrait être encore plus porteur de tension avec l'opposition de droite.
La refonte du statut de la Galice pourrait être plus consensuelle. Les socialistes, qui ont, pour la première fois, conquis la présidence de cette région en 2005, souhaitent le faire en accord avec le Parti populaire. Mais le Bloc nationaliste galicien, allié minoritaire des socialistes, revendique lui aussi l'appellation de "nation". Le PP n'est pas opposé par principe à l'élargissement des compétences des autonomies : il soutient les réformes engagées à Valence et en Andalousie, par exemple, et ses présidents de région regardent d'un oeil intéressé les nouveaux pouvoirs qui s'offrent à eux.
Cécile Chambraud, à Madrid
Article paru dans l'édition du 08.03.06
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