Artxibak
2021/01/22
Peio Etxeleku, EAJ-PNB-ren Ipar Euskadiko burua, (Semaine du Pays Basque astekarian, 1412. zkia)
Vous êtes le tout nouveau président d’EAJ-PNB. Vous me permettrez de commencer par une impertinence. On sait que dans votre parti, vous avez lancé un appel à la féminisation et à soutenir une politique égalisatrice. Et nous voyons qu’à un homme, succède un homme… Est-ce qu’une femme aurait pu occuper vos fonctions ? Mais au-delà de cela, comment s’est passé cette nomination ? C’est toujours un peu mystérieux de savoir comment s’exprime la démocratie au sein d’un parti aussi petit soit-il …
Le processus électoral au sein d’EAJ est très encadré. C’est une émanation de la base militante. Les militants proposent des noms ; il n’y a pas d’appel à la candidature. Il faut néanmoins se conformer à certaines règles statutaires pour pouvoir prétendre à une charge élective notamment au sein de l’exécutif du parti : il faut au minimum deux ans d’adhésion, c’était largement mon cas puisque cela fait vingt-deux ans que je suis membre d’EAJ. En l’occurrence, il y a eu deux noms de proposés. Les personnes dont le nom est proposé disent si elles sont intéressées ou non pour se porter candidat. L’autre personne proposée n’a pas souhaité se porter candidate et je me suis retrouvé le seul à être en situation d’accepter la mission. C’est pour cela que l’on s’est retrouvé avec un seul homme. Mais au sein d’EAJ, comme ailleurs, la femme est l’avenir de l’homme. Nous nous devons de poursuivre notre politique égalisatrice.
A EAJ, le fonctionnement est très démocratique au point que les élections municipales vous avez des sortes de petits bilzar internes à chaque commune. Ce sont les membres de la commune qui vont choisir qui va aller dans une liste. Ce sont aussi des contraintes parfois ?
Oui mais ce fonctionnement est l’expression de la tradition fédérale basque. Le principe de subsidiarité est appliqué à tout point de vue et tout ce qui peut être décidé au niveau local est décidé par le local. Si c’est au niveau provincial ou régional, c’est l’instance provinciale. Et si c’est au niveau national, c’est l’instance nationale qui décide. A chaque fois, il y a une expression des Herri Biltzar qui sont la base militante, et qui sont consultés y compris sur les sujets portant sur des territoires plus vastes que leurs ressorts. Chaque représentant des Herri Biltzar porte un mandat impératif, à la façon américaine, pour désigner la position définitive du parti sur tel ou tel sujet.
Quand une personnalité arrive à une fonction, j’ai pour habitude de leur demander de raconter qui ils sont. On vous connaît pour votre implication à Cambo. On vous a même prêté de nombreuses ambitions électorales que vous n’aviez sans doute pas. Vous êtes aussi un chef d’entreprise très occupé. Racontez-nous votre vie…
Je suis un Bas-Navarrais, originaire de Saint-Jean-le-Vieux. J’ai fait des études dans le domaine commercial. J’ai commencé par travailler dans un grand cabinet de conseil américain qui s’appelle Ernst & Young. Je suis revenu sur mes terres d’origine pour travailler dans l’entreprise familiale fondée par mon père, il y a exactement vingt ans. J’ai d’abord exprimé mon engagement politique à travers l’économie. C’est une magnifique forme d’engagement et c’est une contribution au développement d’un territoire, en particulier quand on est sur des métiers très en lien avec le monde agricole. C’est ce qui forge véritablement l’identité du Pays Basque intérieur, dans les zones de montagne. J’ai d’abord travaillé d’arrache-pied au développement de l’entreprise familiale dans le domaine de la fromagerie. Aujourd'hui, nous sommes diversifiés dans le domaine de la salaison, de la pâtisserie, de la construction métallique… Je dirige un petit groupe familial qui emploie un peu plus de 200 personnes. Ce groupe a une originalité que l’on peut souligner c’est que nous sommes à cheval sur les deux côtés de la frontière. A peu près la moitié de notre effectif est en Gipuzkoa. Mon métier de chef d’entreprise m’a permis d’appréhender de façon très fine les spécificités, les difficultés et aussi les opportunités d’un territoire qui est sur deux Etats. Pour en revenir à mon engagement politique, je suis élu à Cambo depuis 2014 comme conseiller municipal. Sur le premier mandat, j’étais délégué aux affaires agricoles et à la langue basque. Sur ce deuxième mandat, je le suis plutôt sur les affaires économiques. A travers ce mandat, je suis également référent territorial du pôle Errobi, ce qui me permet aussi d’être membre du conseil exécutif de la communauté d'agglomération Pays Basque.
On peut dire que c’est une façon de partager de manière très intelligente les différents postes pour Cambo…
Je le crois. Il y a une belle complémentarité et une symbiose forte avec mon maire.
Vous savez qu’on a voulu vous opposer…
Je le sais.
Cela vous a étonné ? Pour vous, c’étaient des calculs des uns et des autres ?
Je ne suis pas allé chercher aussi loin les motivations. Il était important aux yeux de Christian Devèze et de moi-même que Cambo ait une place à l’exécutif de la communauté d'agglomération Pays Basque. Cambo est une ville importante du Pays Basque intérieur avec une position de centralité à tous égards, à la fois dans sa tradition politique mais aussi dans sa géographie. Si je forçais un peu le trait, je pourrais dire que Cambo synthétise les enjeux du Pays Basque. C’est à la fois une commune qui a de la ruralité mais en même temps de l’urbanité. On retrouve toutes les problématiques qui traversent la société basque. Il était important d’être présents et nous avons eu une répartition des rôles très équilibrée qui permet aussi une bonne implication de chacun.
Cela s’est fait dans l’amitié et non pas dans la douleur ?
Pas de douleur du tout.
Vous êtes aussi élu à la CCI…
Je suis élu consulaire à la CCI, sur un premier mandat. Pour moi il est important que les chefs d’entreprise s’impliquent dans la vie économique de leurs territoires. L’animation économique du territoire est généralement plus efficace et plus pertinente quand elle est pilotée par les Chefs d’Entreprise eux-mêmes.
Vous qui avez voyagé loin et qui continuez à le faire puisque vous êtes un chef d’entreprise avec un rayon d’action mondial, pouvez-vous nous dire quelle image renvoie le Pays Basque aujourd'hui ? C’est un territoire très fort, avec des valeurs ? Il y a toujours de l’intérêt où que l’on soit quand on parle du Pays Basque ?
Oui et cela va loin dans la perception géographique. Le Pays Basque a une identité plus ou moins précise aux yeux de ceux qui nous regardent. Mais que l’on soit à Seattle, Tokyo, Londres ou Paris, le Pays Basque évoque une identité forte, des racines, un certain nombre de valeurs comme l’attachement au travail, au développement… à l’ouverture également parce que c’est un territoire qui n’est pas fermé au monde, bien au contraire. La diaspora y contribue. Lorsque l’on est dans des métiers économiques qui ont besoin de l’export et d’être en contact avec un très large public, le Pays Basque est un vecteur d’image très favorable.
Vous avez eu la responsabilité de la langue lors de votre premier mandat à Cambo. Aujourd'hui, on se rend compte que c’est toujours compliqué. Il y a eu le problème de la classe immersive à Saint-Pierre-d'Irube. Est-ce qu’il ne faudrait pas que la langue ait un statut officiel une fois pour toute pour cesser de jouer au jeu du chat et de la souris ?
EAJ PNB est le parti qui a porté l’officialisation de la langue et grâce à ce statut, le basque a été sauvé en Pays Basque sud. Nous sommes bien placés pour en parler. Il est évident qu’au nord, ça serait un grand pas qui permettrait d’assurer le sauvetage de cette langue. Le basque est encore en danger de mort et le niveau de transmission n’est pas encore satisfaisant malgré tous les moyens et les politiques plus ou moins volontaristes, au gré du vent politique, qui peuvent être mis en place. Nous sommes encore dans une situation de précarité qui n’est pas acceptable au regard du patrimoine que représente la langue basque pour l’humanité. C’est l’enjeu aujourd'hui.
Quand on voit les classements de l’Unesco, la langue basque, comme tout un tas d’autres langues, mériterait d’y être reconnue comme patrimoine vivant…
Aujourd'hui, les études de l’Unesco montrent que nous sommes dans une situation fragile, en particulier au Pays Basque nord. Le sauvetage de la langue n’est pas assuré.
Les référendums en Nouvelle-Calédonie ou en Ecosse montrent que même s’ils revendiquent une certaine autonomie dans leurs territoires, il y a quand même un mot qui fait très peur, c’est le mot indépendance. Le PNB semble dire que ce mot ne convient peut-être plus au monde dans lequel nous sommes. Jean Tellechea nous en avait parlé longuement. J’imagine que vous êtes aussi sur cette longueur d’onde… Cela n’exclut pas un statut spécifique pour le Pays Basque, avec l’exemple de la Corse.
Absolument. On ne peut pas raisonner exclusivement à l’échelle du Pays Basque. Notre vision de ce que doit être la future région basque éventuellement unifiée va de pair avec l’évolution de l’Europe, notamment la marche vers le fédéralisme. Les pères de l’Europe étaient finalement très avant-gardistes et on ne peut être qu’attristés de voir qu’au cours des quinze, vingt dernières années, il y ait eu un recul de cet idéal-là. Pour autant, je suis convaincu que les grands problèmes du continent européen mais aussi les petits problèmes de chacune de nos régions vont se résoudre plus facilement avec le principe de subsidiarité et si l’on va vers une application fédérale des institutions. Tous les exemples aujourd'hui montrent qu’un état-nation à l’échelle de la France jacobine et centralisée n’est pas la bonne réponse aux problématiques actuelles. Je dis souvent que la France actuelle est un trop petit pays pour les grands problèmes et un trop grand pays pour les petits problèmes qu’elle a à résoudre. La gestion de la crise sanitaire le démontre : les régions, les départements, les communes, les intercommunalités, sont en attente de plus d’autonomie pour gérer au plus près de la réalité les problématiques comme cette crise sanitaire. Il y a fort à parier que cela serait géré de manière plus efficace, plus agile, plus proche des populations… Les réalités sont différentes si l’on est en zone urbaine, en zone rurale, etc.
Est-ce que le grand ogre jacobin qui est aujourd'hui à l’Elysée et à Matignon, n’essaie pas en utilisant le mot « séparatisme » de brouiller les cartes avec les notions d’autonomie ? Est-ce qu’il n’y a pas un recul par rapport à ce que des gouvernements précédents avaient laissé espérer ? On a l’impression que des élus, comme vous ou comme par exemple Jean-René Etchegaray, sentent ce danger et se disent : « Nous essayons d’avancer et de demander plus pour construire dans la paix, et on est en train de nous retirer le peu que l’on nous a accordé. »
C’est un sentiment que je partage complètement. Les dirigeants actuels devraient revenir à l’esprit de ce qui est à l’origine de la fête nationale. On croit à tort que le 14 juillet s’appuie sur la prise de la Bastille en 1789. En réalité, le 14 juillet célèbre d’abord la Fête de la Fédération qui a eu lieu un an plus tard, le 14 juillet 1790 avec tous les départements et les régions de France qui défilent devant le roi. C’est cet esprit que l’on voudrait retrouver et que les Jacobins devraient accepter parce que cela correspond vraiment aux réalités du monde. Pour peser sur les grandes décisions et les défis écologiques qui menacent l’humanité, cela ne peut plus se faire au niveau des états-nations. C’est forcément de continent à continent. Face aux Etats-Unis, à la Chine, à l’Inde, la France ne pèse plus. Pour répondre aux problématiques quotidiennes des gens, aux enjeux régionaux, à la relation transfrontalière, etc. cela doit se faire au niveau des régions et des bassins de vie, en réalité.
Le PNB a 125 ans. Cela devait être célébré en grande pompe en 2020. Est-ce que cet anniversaire a quand même été fêté ? Et quel regard, vous qui êtes plus jeune que 125 ans, portez-vous sur ce parti ? On peut être fier d’un parti qui est si vieux… Les partis naissent et meurent, on le voit avec le Parti socialiste. Vous durez…
Ce parti appartient à un mouvement social profond qui s’enracine dans les fondements de l’identité basque. C’est la raison pour laquelle il porte cet élan populaire à travers les âges. Il a toujours eu des lignes directrices fondatrices et des valeurs très fortes comme l’attachement à la démocratie, le rejet de toute forme de totalitarisme, que ça soit celui du franquisme ou celui d’ETA. Ce respect des différentes réalités des pays basques est aussi très important. On ne traite pas les choses en Navarre comme on le fait en Biscaye ou en Pays Basque nord. Il y a une vraie fierté parce que nous sentons que nous sommes portés par l’idéologie et les enseignements que nos pères fondateurs et leurs continuateurs nous ont transmis. En même temps, je trouve que notre message, du haut de nos 125 ans, n’a jamais eu autant de modernité. Notamment en Pays Basque nord, on peut catalyser beaucoup d’ambitions favorables pour ce territoire.
Il y a les prisonniers basques. Vous parliez d’ETA et des mouvements que l’on a connus. Il ne faut pas oublier que les armes ont été déposées de façon durable. Ce qui est très étonnant, c’est que le statut des prisonniers basques dépend de lois d’exception. Ces lois peuvent s’entendre en période de guerre et de violence… Quel est votre positionnement là-dessus ?
Il est évident que si on a une vraie volonté pacificatrice, c’est le droit commun qui devrait s’appliquer. C’est le droit de chacun des prisonniers d’assurer le plus vite possible leur réinsertion dans la société. Cela suppose le rapprochement, cela suppose des règles d’application de peines courantes. Je veux aussi dire que nous avons une pensée pour les victimes. La pacification se fera aussi par la reconnaissance de la souffrance mutuelle que les différentes parties de la société se sont infligée. Il ne faut pas l’oublier. Le respect du droit est indispensable mais il faut toujours avoir en mémoire qu’il y a encore beaucoup de familles qui souffrent de ce passé récent.
Une question candide pour terminer mais que posent souvent les gens qui s’installent ici pour le découvrir ou après avoir quitté le pays pendant très longtemps. Souvent ils demandent ce que c’est que d’être basque en 2021. Est-ce qu’il y a un droit du sang ou un droit du sol ? Pour vous, qui est basque ?
Est basque qui veut. Pour moi, est basque quelqu'un qui aime ce territoire, veut son rayonnement, son développement et est attaché profondément au respect de son identité et en particulier de sa langue. Est euskaldun, celui qui a la chance d’avoir appris et parle la langue basque. C’est une vision très ouverte et politique, au sens noble du terme.
La grande cause qui doit accompagner un statut spécifique, c’est forcément la protection de la langue ?
C’est la mère de toutes les batailles.
Cela dépend de quoi ? De moyens, de négociations avec le gouvernement à Paris, de l’implication des familles, de faire en sorte que les enfants qui ont été bilingues ne décrochent pas ? Vous y réfléchissez et est-ce que vous avez des solutions ?
Aujourd'hui, les moyens de faire en sorte que cette langue soit couramment pratiquée comme une langue vivante pratiquée par la société au même titre que le français, doivent faire l’objet d’initiatives démultipliées. La transmission est fragile mais certaines clefs ont déjà été activées pour l’assurer. L’enjeu est encore plus fort aujourd'hui sur la pratique au quotidien ; d’où les campagnes de promotion autour de cette idée. Nous autres, les bascophones, sommes les premiers autocenseurs de l’utilisation de la langue basque lorsque l’on ne connaît pas le caractère bascophone de notre interlocuteur. Ce sont autant d’occasions manquées d’expression de la langue basque. Il faut démultiplier ces occasions à tous les maillons de la société : milieu culturel, monde sportif, institutions publiques… Il s’agit de reconnaître le droit linguistique des gens et le droit pour tout bascophone de pouvoir être servi dans la langue de son choix.
Mais aussi séparer la langue de la politique ? Est-ce que l’on ne s’est pas trop servi de la langue en politique ?
J’ai le sentiment qu’aujourd'hui, c’est un sujet moins politisé qu’il n’a pu être auparavant. Politiser ce sujet, c’est rendre un très mauvais service à la langue basque. La langue basque doit être vécue comme un patrimoine essentiel de l’humanité qui doit être sauvé à tout prix, quel que soit notre positionnement sur l’échiquier politique.
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