Artxibak
2021/12/03
Le textile basque : une filière qui intéresse les musées et les laboratoires de recherche
Ces jours-ci, le linge basque s’expose dans les Musées et il pose la question de son avenir dans un monde globalisé.
Objet majeur de la culture basque traditionnelle, le textile basque a du mal à résister à la « fast fashion ». Pourtant, face à la culture des vêtements jetables, un changement radical est attendu pour réduire ce gaspillage économique et écologique. A la marge, des techniques de production innovantes émergent pour produire des vêtements durables et de l’emploi durable. C’est notamment l’ambition de la chaire BALI à l’Ecole d’ingénieurs ESTIA.
Grâce à « Trames du quotidien. Haritik harira », l’exposition temporaire sur le linge basque ouverte cet été au Musée basque de Bayonne, nous avons redécouvert une culture locale absorbée par le développement du commerce textile internationalisé. En mettant à l’honneur des vêtements traditionnels, des costumes de danse, du linge de maison ou encore des espadrilles, ce sont autant de témoignages des pratiques de fabrication et des usages que nous redécouvrons. Surtout, cette exposition a cela de nécessaire qu’elle s’intéresse non seulement aux matériaux qui ont servi à développer cette tradition textile au Pays basque mais aussi qu’elle porte un regard rétrospectif sur l’arrivée de la mécanisation et notamment l’apport de l’industrie et du tourisme à la tradition textile. « Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va » pourrait-on résumer.
Tout au long de son histoire, le Pays basque a développé un grand savoir-faire dans la fabrication des tissus. Jusqu’à la fin du XIXème siècle où l’importation de tissus, notamment de coton, a diversifié et multiplié la production locale, c’était une activité centrale dans la vie quotidienne. Depuis, l’industrie textile s’est globalisée contribuant, entre autres industries, au désastre écologique. Aujourd’hui, elle est la 2ème activité la plus polluante au monde (après le pétrole). Chaque année, elle émet 1.2 milliard de tonnes de carbone (C’est plus que les rejets des transports aériens et maritimes réunis). Pour la fabrication d’un tee-shirt, il faut 2700 litres d’eau, 7000 composants chimiques, 25% des pesticides utilisés dans le monde ! A-t-on conscience que pour atterrir dans l’armoire de l’acheteur européen, ce vêtement parcourt plus de 65 000kms. Et si 100 milliards de vêtements sont vendus dans le monde par an, en Europe, 4 millions de tonnes sont jetés en même temps ! Plus aberrant encore, selon une étude Movinga en 2018, 68% des ménages français possèdent dans leurs garde-robes des vêtements, achetés au cours des 12 derniers mois, jamais portés…
La surconsommation est devenue loi grâce à la Fast-Fashion. Si le secteur textile emploie 75 millions de personnes, ce sont essentiellement des emplois faiblement rémunérés et occupés en très grande majorité, à 80%, par des femmes, dans des pays en voie de développement. Source de désastre écologique, d’inégalité de genre, l’industrie textile doit faire sa révolution.
L’urgence est de protéger mais aussi d’innover
Le linge basque possède aujourd’hui son indication géographique (IG). Cela permet d’attester que le produit est bien fabriqué sur son lieu de production historique, dans les Pyrénées-Atlantiques. Des emplois peuvent ainsi être maintenus localement, entretenant ainsi cette activité économique sur un territoire qui a une histoire textile forte. Il est « protégé » mais reste très marginal dans un secteur textile infiniment plus vaste et néfaste. Des initiatives se développent cependant çà et là : vêtement plus durable, bourse d’échange de vêtement… Ces efforts louables ne suffiront pas tant que des alternatives radicales ne seront pas imaginées. A l’école d’ingénieur ESTIA à Bidart, depuis 2017, la chaire BALI s’efforce à devenir un centre d’information et de recherche sur les disruptions technologiques pour le secteur de la mode et du textile. L’objectif est d’accompagner les entreprises à comprendre et à intégrer les enjeux de transformation industrielle futurs dans ce secteur si impactant. Concrètement, plusieurs axes de réflexion sont engagés pour les 3 années à venir : La circularité et la traçabilité pour donner du sens à l’offre et la valoriser auprès du consommateur, la flexibilisation de la chaîne de valeur pour réduire le time to sustainable market, la transformation des filières industrielles pour retrouver une compétitivité économique et une attractivité.
Au-delà des termes techniques, il s’agit de repenser, grâce à la mobilisation des réflexions portées partout dans le monde, la production du textile et son utilisation dans une approche plus intégrée mais aussi plus localisée dans notre quotidien.
Les filières économiques, même les plus impactantes, ont toutes un avenir écologique lorsque qu’elles abordent une transition par la relocalisation des activités, par des processus de production durables et surtout que le consommateur impose un marché vertueux.
Par Jean Tellechea,
conseiller municipal à Urrugne, secrétaire de l’IBB (EAJ)
Article paru dans la Semaine du Pays Basque n°1457, le vendredi 26 Novembre
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