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11/08/2006
Ramón de la Sota replique à Antonio Elorza
L'ancien sénateur nationaliste, Ramón de la Sota replique à Antonio Elorza dans la revue L´Histoire
Voici la lettre envoyée par Ramón de la Sota, ex senateur nationaliste, à la revue "L´Histoire" suite à la publication d'une interview avec Antonio Elorza, dans laquelle selon de la Sota, apparaissent tous les les préjugés, les clichés et les manipulations de la droite espagnole sur le nationalisme basque.
Mme. Valérie Hannin,
Rédactrice en Chef,
L’Histoire
Chère Madame,
En tant que lecteur de longue date de « L’Histoire », je suis particulièrement navré de lire l’interview de M.Elorza intitulé « D’où viennent les nationalistes basques ? », paru dans le numéro d’avril-juin 2006. « L’Histoire » a toujours voulu donner une vision objective et impartiale des choses et cette interview en fait tout juste le contraire. Peut être M.Elorza croyait-il que dans une revue française il pourrait donner des inexactitudes malintentionnées pour condamner l’opinion majoritaire des basques, sans que cela se sache au pays des basques !
Le fait est que l’Espagne s'est unifiée très tardivement. Le processus n’a sérieusement démarré qu’à partir de la Constitution de Cadiz en 1812. L’unification a été imposée à feu et à sang par les libéraux au XIX ème siècle, et est arrivée à son apothéose pendant la dictature du général Franco. L’arrivée de la démocratie n’a fait que confirmer que le processus d’unification n’a pas réussi à assimiler les majorités catalanes et basques qui restaient majoritairement contraire à ce processus.
L’existence de ces majorités catalanes et basques qui continuent à s’opposer à ce processus d’unification représente une profonde frustration pour la droite espagnole. Ayant tout mis en œuvre , guerre, prison et répression , la droite espagnole, quand elle aborde la question basque ou catalane, tout simplement perd les pédales car elle ne comprend pas comment elle n’a pas réussi a « extirper ce cancer ».
La position de la gauche espagnole est plus subtile. Tout en déclarant que le nationalisme espagnol n’existe pas, elle maintient que les nationalismes sont dangereux et que donc le nationalisme basque l’est aussi. Cette position est bien pittoresque car les socialistes sous la présidence de M. Gonzalez , ont fait preuve d’un ardent nationalisme espagnol qui a choqué l’ Europe. Et si une image vaux plus que mille mots, on vient d’être régalé par une preuve visuelle de ce nationalisme espagnol ! Les adieux du ministre socialiste M. Bono en quittant le Ministère de la Défense fut une véritable mise en scène Bonapartiste représentative d’un certain nationalisme militariste…. Mais les socialistes sont divisés entre une majorité qui est nationaliste espagnole et une minorité, les socialistes catalans entre autres, qui ne le sont pas.
Les nationalistes basques sont très conscients que les nationalismes sont dangereux, et pour cause !
En 1839, l’Assemblée Nationale Espagnole, contre la volonté des représentants basques, décida de soumettre l’autonomie historique des basques du sud, véritable système de co-souveraineté, a la Constitution espagnole. Ce fut un acte illégal d’annexion commis sur les basques du sud qui en ce moment se trouvaient prostrés après une première guerre Carliste qui les avait laissé épuisés. C’était le triomphe du nationalisme espagnol !
En 1876, l’Assemblée Nationale Espagnole, contre la volonté des représentants basques, tout simplement abolit l’autonomie historique des basques.
Le Parti Nationaliste Basque fut créé comme réponse à ces actes et avec le but d’obtenir la dérogation de la loi de 1839 et des autres lois abolitives de l’autonomie historique qui en suivirent. L’essor de ce parti représente la volonté d’un peuple de défendre son droit d’exister en tant que tel.
Depuis sa fondation, le Parti Nationaliste Basque, EAJ-PNV, a connu deux périodes clandestines, la première sous la dictature du général Primo de Rivera, dictature appuyée par une partie du socialisme espagnol, et la deuxième sous le franquisme. En pleine guerre civile la République accorda un statut d’autonomie aux basques et un gouvernement autonome de coalition a majorité nationaliste basque fut crée. La résistance aux rebelles franquistes s’organisa autour de ce premier gouvernement . Des 40 bataillons qui composèrent l’armée basque, 22 étaient des bataillons nationalistes. Le Gouvernement Basque organisa même une marine de guerre composée de quatre chalutiers de terre-neuve armés de cannons a l’avant et a l’arrière. Le « Nabarra » coulera dans un affrontement épique contre le croiseur franquiste « Canarias ».
A l’instance du général Franco l’église espagnole exigea au Vatican l’excommunication des basques et c’est l’église basque qui a défendu le droit des basques à défendre leurs libertés séculaires à leurs manières.
Ensuite c’est l’exil. 150.000 femmes et enfants son évacues de Bilbao vers la France et l’Angleterre; ensuite vers l’Amérique du sud. Beaucoup de soldats basques du PNV se portent volontaires aux armées alliées. La Brigade Basque participe à la bataille des Pointe de Grave. Elle défilera ensuite, drapeau basque en tête devant le général de Gaulle à Bordeaux.
Avec l’arrivée de la démocratie les partis espagnols ont été obligés de ''larguer du lest'' et de gagner du temps en accordant des statuts d’autonomie aux catalans et aux basques. Ces statuts ont été négociés sous la menace permanente d’une intervention militaire si catalans et basques en demandent trop de pouvoirs. Par la suite les divers gouvernements, et de droite et de gauche espagnole, ont habilement récupérés beaucoup des ces pouvoirs transférés dans le cadre de ces statuts d’autonomie, ce qui a eu pour effet d’augmenter la frustration chez basques et catalans et d’agrandir leur méfiance envers les partis nationaux.
Dans son interview M.Elorza fait du « malabarisme » historique avec l’intention de mystifier les causes pour mieux rendre leurs effets illogiques et inadmissibles. Il est représentatif du groupe d’intellectuels mobilisés par M.Aznar, l’ancien président espagnol, pour défendre une certaine conception de l’état, et pour condamner tout autre point de vue. Ceci faisait partie de la stratégie de M.Aznar quand il a mobilisé toutes les ressources de l’état contre les nationalistes basques, contre qui tout était bon. Le véritable objectif de cette stratégie n’était pas du tout le terrorisme de l’ETA, mais plutôt celui de détruire le nationalisme démocratique du PNV et de EA. La naïveté de M. Elorza m’étonne quand il admet que le PNV reste le vrai problème. Il a tout a fait raison ! Le PNV reste le principal obstacle à l’assimilation du peuple basque par l’état espagnol.
Les opinions de M.Elorza coïncident avec celles de la droite espagnole, d’une partie de la gauche espagnole, des syndicats espagnols, de la patronale espagnole et aussi de la Conférence Episcopale Espagnole. Bien évidement, ses opinions ne coïncident pas du tout ni avec l’opinion majoritaire des basques, ni de droite ni de gauche, ni avec l’opinion majoritaire des syndicats basques, ni de la patronale basque, ni de l’Eglise basque.
Le plan présenté par le président du Gouvernement Basque, M.Ibarretxe, a pour but d’établir d’une fois pour toutes quels seront les liens que les basques veulent avoir avec l’Espagne. Ceci se déciderait après un grand débat entre les basques, une fois la violence définitivement terminée. Un référendum en suivrait.
A l’instance du gouvernement de M.Aznar, la Conférence Episcopale Espagnole condamna le plan du président Ibarretxe en le déclarant immoral. La réponse des évêques basques fut de déclarer que le plan du président Ibarretxe était parfaitement moral.
Jeudi dernier, à l’instance des membres les plus conservateurs de l’église espagnol, la Conférence Episcopale Espagnole s’est réunie avec le seul objet d’approuver un document qui établirait que l’unité de l’Espagne était une question de moralité chrétienne. Mais, devant la farouche opposition des évêques Catalans et Basques qui estimaient que la question posée était d’ordre politique et non morale, la majorité Castillane et conservatrice décida de préparer un document mais en retardant « sine die » son élaboration.
La fragilité de la démocratie espagnole dérive du fait que tous les nationalistes espagnols, et aussi ceux qui le sont en disant qu’ils ne le sont pas, croient au fond de leur âme que l’unité de l’Espagne n’est pas une question politique mais morale, et que donc « Dieu est avec eux ».
Comme vous pourrez le comprendre, les choses ne sont pas aussi simples que M.Elorza voudrait vous le faire croire. Et de ce pas je me mets en contact avec des historiens navarrais pour qu’ils puissent vous fournir les renseignements historiques sur l’Etat Basque que fut le Royaume de Navarre et dont je n’ai pas été a la hauteur de vous en fournir.
Meilleures salutations,
Ramon de la Sota
Mme. Valérie Hannin,
Rédactrice en Chef,
L’Histoire
Chère Madame,
En tant que lecteur de longue date de « L’Histoire », je suis particulièrement navré de lire l’interview de M.Elorza intitulé « D’où viennent les nationalistes basques ? », paru dans le numéro d’avril-juin 2006. « L’Histoire » a toujours voulu donner une vision objective et impartiale des choses et cette interview en fait tout juste le contraire. Peut être M.Elorza croyait-il que dans une revue française il pourrait donner des inexactitudes malintentionnées pour condamner l’opinion majoritaire des basques, sans que cela se sache au pays des basques !
Le fait est que l’Espagne s'est unifiée très tardivement. Le processus n’a sérieusement démarré qu’à partir de la Constitution de Cadiz en 1812. L’unification a été imposée à feu et à sang par les libéraux au XIX ème siècle, et est arrivée à son apothéose pendant la dictature du général Franco. L’arrivée de la démocratie n’a fait que confirmer que le processus d’unification n’a pas réussi à assimiler les majorités catalanes et basques qui restaient majoritairement contraire à ce processus.
L’existence de ces majorités catalanes et basques qui continuent à s’opposer à ce processus d’unification représente une profonde frustration pour la droite espagnole. Ayant tout mis en œuvre , guerre, prison et répression , la droite espagnole, quand elle aborde la question basque ou catalane, tout simplement perd les pédales car elle ne comprend pas comment elle n’a pas réussi a « extirper ce cancer ».
La position de la gauche espagnole est plus subtile. Tout en déclarant que le nationalisme espagnol n’existe pas, elle maintient que les nationalismes sont dangereux et que donc le nationalisme basque l’est aussi. Cette position est bien pittoresque car les socialistes sous la présidence de M. Gonzalez , ont fait preuve d’un ardent nationalisme espagnol qui a choqué l’ Europe. Et si une image vaux plus que mille mots, on vient d’être régalé par une preuve visuelle de ce nationalisme espagnol ! Les adieux du ministre socialiste M. Bono en quittant le Ministère de la Défense fut une véritable mise en scène Bonapartiste représentative d’un certain nationalisme militariste…. Mais les socialistes sont divisés entre une majorité qui est nationaliste espagnole et une minorité, les socialistes catalans entre autres, qui ne le sont pas.
Les nationalistes basques sont très conscients que les nationalismes sont dangereux, et pour cause !
En 1839, l’Assemblée Nationale Espagnole, contre la volonté des représentants basques, décida de soumettre l’autonomie historique des basques du sud, véritable système de co-souveraineté, a la Constitution espagnole. Ce fut un acte illégal d’annexion commis sur les basques du sud qui en ce moment se trouvaient prostrés après une première guerre Carliste qui les avait laissé épuisés. C’était le triomphe du nationalisme espagnol !
En 1876, l’Assemblée Nationale Espagnole, contre la volonté des représentants basques, tout simplement abolit l’autonomie historique des basques.
Le Parti Nationaliste Basque fut créé comme réponse à ces actes et avec le but d’obtenir la dérogation de la loi de 1839 et des autres lois abolitives de l’autonomie historique qui en suivirent. L’essor de ce parti représente la volonté d’un peuple de défendre son droit d’exister en tant que tel.
Depuis sa fondation, le Parti Nationaliste Basque, EAJ-PNV, a connu deux périodes clandestines, la première sous la dictature du général Primo de Rivera, dictature appuyée par une partie du socialisme espagnol, et la deuxième sous le franquisme. En pleine guerre civile la République accorda un statut d’autonomie aux basques et un gouvernement autonome de coalition a majorité nationaliste basque fut crée. La résistance aux rebelles franquistes s’organisa autour de ce premier gouvernement . Des 40 bataillons qui composèrent l’armée basque, 22 étaient des bataillons nationalistes. Le Gouvernement Basque organisa même une marine de guerre composée de quatre chalutiers de terre-neuve armés de cannons a l’avant et a l’arrière. Le « Nabarra » coulera dans un affrontement épique contre le croiseur franquiste « Canarias ».
A l’instance du général Franco l’église espagnole exigea au Vatican l’excommunication des basques et c’est l’église basque qui a défendu le droit des basques à défendre leurs libertés séculaires à leurs manières.
Ensuite c’est l’exil. 150.000 femmes et enfants son évacues de Bilbao vers la France et l’Angleterre; ensuite vers l’Amérique du sud. Beaucoup de soldats basques du PNV se portent volontaires aux armées alliées. La Brigade Basque participe à la bataille des Pointe de Grave. Elle défilera ensuite, drapeau basque en tête devant le général de Gaulle à Bordeaux.
Avec l’arrivée de la démocratie les partis espagnols ont été obligés de ''larguer du lest'' et de gagner du temps en accordant des statuts d’autonomie aux catalans et aux basques. Ces statuts ont été négociés sous la menace permanente d’une intervention militaire si catalans et basques en demandent trop de pouvoirs. Par la suite les divers gouvernements, et de droite et de gauche espagnole, ont habilement récupérés beaucoup des ces pouvoirs transférés dans le cadre de ces statuts d’autonomie, ce qui a eu pour effet d’augmenter la frustration chez basques et catalans et d’agrandir leur méfiance envers les partis nationaux.
Dans son interview M.Elorza fait du « malabarisme » historique avec l’intention de mystifier les causes pour mieux rendre leurs effets illogiques et inadmissibles. Il est représentatif du groupe d’intellectuels mobilisés par M.Aznar, l’ancien président espagnol, pour défendre une certaine conception de l’état, et pour condamner tout autre point de vue. Ceci faisait partie de la stratégie de M.Aznar quand il a mobilisé toutes les ressources de l’état contre les nationalistes basques, contre qui tout était bon. Le véritable objectif de cette stratégie n’était pas du tout le terrorisme de l’ETA, mais plutôt celui de détruire le nationalisme démocratique du PNV et de EA. La naïveté de M. Elorza m’étonne quand il admet que le PNV reste le vrai problème. Il a tout a fait raison ! Le PNV reste le principal obstacle à l’assimilation du peuple basque par l’état espagnol.
Les opinions de M.Elorza coïncident avec celles de la droite espagnole, d’une partie de la gauche espagnole, des syndicats espagnols, de la patronale espagnole et aussi de la Conférence Episcopale Espagnole. Bien évidement, ses opinions ne coïncident pas du tout ni avec l’opinion majoritaire des basques, ni de droite ni de gauche, ni avec l’opinion majoritaire des syndicats basques, ni de la patronale basque, ni de l’Eglise basque.
Le plan présenté par le président du Gouvernement Basque, M.Ibarretxe, a pour but d’établir d’une fois pour toutes quels seront les liens que les basques veulent avoir avec l’Espagne. Ceci se déciderait après un grand débat entre les basques, une fois la violence définitivement terminée. Un référendum en suivrait.
A l’instance du gouvernement de M.Aznar, la Conférence Episcopale Espagnole condamna le plan du président Ibarretxe en le déclarant immoral. La réponse des évêques basques fut de déclarer que le plan du président Ibarretxe était parfaitement moral.
Jeudi dernier, à l’instance des membres les plus conservateurs de l’église espagnol, la Conférence Episcopale Espagnole s’est réunie avec le seul objet d’approuver un document qui établirait que l’unité de l’Espagne était une question de moralité chrétienne. Mais, devant la farouche opposition des évêques Catalans et Basques qui estimaient que la question posée était d’ordre politique et non morale, la majorité Castillane et conservatrice décida de préparer un document mais en retardant « sine die » son élaboration.
La fragilité de la démocratie espagnole dérive du fait que tous les nationalistes espagnols, et aussi ceux qui le sont en disant qu’ils ne le sont pas, croient au fond de leur âme que l’unité de l’Espagne n’est pas une question politique mais morale, et que donc « Dieu est avec eux ».
Comme vous pourrez le comprendre, les choses ne sont pas aussi simples que M.Elorza voudrait vous le faire croire. Et de ce pas je me mets en contact avec des historiens navarrais pour qu’ils puissent vous fournir les renseignements historiques sur l’Etat Basque que fut le Royaume de Navarre et dont je n’ai pas été a la hauteur de vous en fournir.
Meilleures salutations,
Ramon de la Sota
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